Je voudrais tout d'abord
rendre hommage à celui sans le conseil duquel j'aurais sans doute
attendu quelques années avant de me lancer dans la projection de
Sinners,
le dernier long-métrage de Ryan Coogler. Je ne citerai malgré tout
pas son prénom car bien qu'il s'agisse d'un jeune homme plutôt
sympathique, nos échangent se contentent en général du minimum
syndical vu qu'intellectuellement, il ne semble pas avoir encore
acquis toutes ses facultés. Ceci étant dit, c'est donc sans
réellement prendre au premier degré son affirmation selon laquelle
Sinners
serait LE film d'horreur de l'année que je me suis tout de même
dirigé vers le cinéma le plus proche de chez moi pour assister à
ce spectacle d'un peu plus de cent-vingt minutes. Première
observation : avant que le long-métrage ne prenne un virage
sanguinolent, Ryan Coogler nous détaille l'état de la communauté
afro-américaine dans les années 30 du siècle dernier où la
ségrégation entraîne et contraint les noirs à l'écart. Le récit
situe son intrigue à Clarksdale, siège du comté de Coahoma. C'est
là que l'on rencontre pour la première fois le jeune Sammy Moore,
surnommé Preacher
Boy
du fait que son père soit un homme d'église. Véritable prodige de
la musique Blues,
il débarque dans la maison de Dieu affublé d'affreuses cicatrices
au visage. Cut... Retour vingt-quatre heures en arrière.
Réapparaissent à Clarksdale les frères jumeaux Elijah et Elias
(tous deux incarnés par Michael B. Jordan). Après avoir travaillé
ensemble pour la pègre de Chicago, ils reviennent dans leur ville
natale et y font l'acquisition d'une scierie dans l'intention de la
transformer en bar. L'occasion pour leur cousin Sammy de faire preuve
le soir-même de ses talents de chanteur et de guitariste. Tout ce
qui va précéder le carnage final est exemplaire. Le film transpire
un amour véritable pour la musique noire de cette première moitié
du vingtième siècle. Vendu comme un film d'horreur musical et étant
lui-même produit et distribué par la Warner
Bros
qui fut coupable d'un Joker : Folie à deux
désastreux, Sinners
ne prend fort heureusement pas la même direction. Les interventions
musicales sont à minima, savoureuses. Dernier représentant actuel
du cinéma de Blaxploitation,
le long-métrage de Ryan Coogler est donc constitué d'une grande
majorité d'interprètes de la communauté afro-américaine.
Et
même lorsque une protagoniste blanche apparaît à l'écran, le
script lui accorde des origines africaines (l'interprète de Mary,
Hailee Steinfeld, ayant d'ailleurs elle-même du sang africain mais
aussi juif, et philippin qui coule dans ses veines). L'homme blanc
n'est pas tout à fait évacué du récit puisque dans sa grande
majorité, il incarne l'Antagoniste de l'histoire. De manière tout
d'abord frontale, à l'image de Hogwood (David Maldonado), ancien
propriétaire de la scierie et membre du Ku
Klux Klan !
Mais aussi à travers trois ''bouseux'' prénommés Joan, Berth et
Remmick (respectivement incarnés par Lola Kirke, Peter Dreimanis et
Jack O'Connell). Lesquels débarquent le soir-même et tentent de
s'inviter dans le bar des frères jumeaux où l'alcool coule à flot
et où la musique bat en rythme. Si la première référence qui
vient à l'esprit lors de la seconde partie est évidemment rattachée
aux origines du mal retranscrites dans le roman de Bram Stocker
Dracula,
c'est à un autre type de support auquel on pense lors du déroulement
des événements se produisant ensuite exclusivement à l'intérieur
du bar. En effet, l'on pense au Vampires
de John Carpenter. Et notamment à cette maison abandonnée du
Nouveau-Mexique ou à cet hôtel où les héros conduits par Jack
Crow (Génial James Woods) finissaient par se faire massacrer par une
horde de zombies. Mais plus encore significative est la comparaison
entre Sinners
et From Dusk Till Dawn de
Robert Rodriguez qui en 1996 réunissait deux malfrats, un pasteur et
ses deux enfants dans un bar qui cette fois là diffusait une musique
Hard-Rock dans un environnement similaire bien que moins chaleureux
et où tout allait partir en vrille une fois la nuit tombée. À ce
titre, c'est peut-être cette comparaison qui fait que le film de
Ryan Coogler est une réussite mais n'est certainement pas LE film
d'horreur de l'année. Son originalité, le film la gagne à travers
son contexte social et historique. Pour le reste, le film n'est
malheureusement pas très innovant. Le carnage qui survient lors du
combat final entre nos héros et le groupe de vampires est
sympathique, sans plus. Notons quelques vulgarités de langage et une
sexualisation qui n'étonne plus vraiment mais qui semble parfois
sortir du cadre temporel du récit...