Je n'ai habituellement pas pour habitude d'aller lire sur la toile ce qu'ont pu penser d'un film ceux qui ont eu la chance (ou le désagrément) de le découvrir avant moi, mais au sortir de la projection de Mission 88 (ISRA 88 pour le titre original), je dois avouer que son auteur m'a bluffé. Rarement aurais-je été le témoin d'une œuvre aussi floue, aussi ennuyeuse et aussi incohérente que ce long-métrage signé Thomas Zellen et sortie (apparemment dans l'indifférence générale) en 2016. David Lynch peut aller se rhabiller. Toute son œuvre est à côté de ce space-opera d'une fluidité et d'une compréhension exemplaires. Stanley Kubrick aurait sans doute revu sa copie de 2001, l'Odyssée de l'Espace s'il avait eu la chance de vivre assez longtemps pour découvrir Mission 88 avant sa disparition. Que les plus capricieux d'entre nous se rassurent: s'ils n'ont rien compris de l'intrigue longue de presque deux heures, je les rassure, moi non plus.
Entre les inévitables séances de micro-sommeil dues au rythme assommant, l'ordonnancement du récit qui n'a ni queue ni tête, et l'interprétation risible de ses deux principaux interprètes, le film nous perd dans des changements de tons clairement involontaires. C'est sans la moindre objectivité que le doute s'est insinué en moi dès les premiers instants. Découvrir que Casper Van Dien faisait partie du casting m'a quelque peu décontenancé (pour ne pas dire rebuté). Mais c'est aussi parce que je découvrais la présence de l'actrice Adrienne Barbeau (New-York 1997) que je décidais de me lancer dans l'aventure pour, pourquoi pas, aller jusqu'au bout. Quel supplice! Deux heures qui en ont parues cinq. Avec, je l'avoue, l'emploi d'une méthode peu protocolaire consistant à accélérer les passages qui m'apparaissaient ne pas mériter que l'on s’appesantisse dessus. Un acte de peu de foi dont je n'ai pas abusé puisque le film étant constitué d'une majorité de scènes sans véritable intérêt, j'aurais alors dû passer mon temps l'index appuyé sur la touche "forward"...
Pour le peu que j'ai pu saisir de l'intrigue (en roue libre) de Mission 88basée sur un scénario écrit à quatre mains par le cinéaste lui-même ainsi que par Jordan Champine, l'histoire se déroule à bord d'une navette en route pour, accrochez-vous, les limites de l'univers. L'idée même d'une mission repoussant les limites du voyage spatial suffisait à attiser les amateurs de science-fiction les plus exigeants. Un thème inédit mais une approche en partie déjà évoquée dans quelques longs-métrages de qualité variable (Moon, la Face Cachée étant le premier d'entre eux à me passer par la tête): le huis-clos spatial. Deux singes dans une même cage. Oui, parce qu'il faut reconnaître que nos deux héros ne partagent pas le même charisme que ces astronautes qui nous fascinent certainement tous d'une manière ou d'une autre. Leur comportement ne laissant parfois aucun doute sur leur capacités intellectuelles à affronter l'immensité du décor qui s'offre à eux, l'intérêt de l'intrigue nous échappe alors quelque peu. Un pilote et un scientifique. Deux rôles pas toujours très bien définis puisque le premier n'aime pas partager ses jouets et refuse d'abord l'accès aux commandes du vaisseau à son compagnon avant que celui-ci ne montre quelques dispositions en matière de pilotage. Le scientifique étant lui-même supposé être le seul à s'occuper de ses petites bêtes (des centaines d'abeilles et une anguille électrique), il arrive que le pilote tente d'imposer son point de vue lorsqu'il s'agit de nourrir la ménagerie. Chacun étant "L’œil de Moscou"de l'autre, on a droit à toute une série de points de vue qui brouillent notre perception du spectacle.
Mais en comparaison des nombreux retours en arrière, cela demeure encore anecdotique. Car comme je le précisais un peu plus haut, Mission 88est en roue libre. Thomas Zellen tourne tout ce qui lui passe par la tête sans même se demander un instant si oui ou non cela sera crédible ou si le spectateur sera en mesure de comprendre où il veut en venir. S'armant d'un récit en forme de puzzle, on a l'impression que l'auteur du film a perdu en route le guide d'utilisation. Mission 88est à l'image d'un meuble IKEA. L'emballage donne envie, mais dès qu'il faut s'atteler au montage, les ennuis commencent. A la fin, on se retrouve avec des pièces supplémentaires dont on ne sait quoi faire. Un peu comme la conclusion du film d'ailleurs. Cette put... de fin dont on espère (après deux heures de calvaire) qu'elle sera en mesure de répondre à la foule de questions que l'on est supposé se poser devant ce spectacle incroyablement confus.
Mission 88se révèle finalement pathétique, comme ses deux principaux interprètes, d'ailleurs. La bande-son lorgne du côté du new-age comme si l’œuvre de Thomas Zellen se voulait générationnelle alors qu'elle demeure tout au plus grandiloquente. Son film se veut zen, sans doute visionnaire, mais n'est que prétention. Un long-métrage assommant d'ennui...