On va tout de suite
éluder le sujet de la controverse autour de Rodéo,
le premier long-métrage de la réalisatrice française Lola Quivoron
qui après deux courts-métrages et un documentaire qu'elle réalisa
aux côtés d'Antonia Buresi aborde un sujet relativement sensible.
Du moins est-ce ainsi que Rodéo
fut perçu bien qu'il soit nécessaire de faire la distinction entre
la réalité du contexte et l'amalgame qu'engendre le titre.
Pourtant, la polémique provient moins du contenu de l’œuvre que
des propos de sa réalisatrice lors d'une interview accordée au
média Konbini
fondé en 2008 par Lucie Beudet et David Creuzot. Vidéo dans
laquelle Lola Quivoron osa affirmer que les morts lors de ces rodéos
sont souvent causées par la police. Après, que l'on incrimine ou
non le montage de la dite vidéo, il est difficile de dire si la
jeune femme évoque ce qui d'après elle se déroule couramment sur
le territoire américain et notamment dans les quartiers populaires
de New York et de Baltimore ou si ses propos sont de son point de vue
valables pour l'hexagone. Connaissant les méthodes policières
outre-atlantique, espérons que Lola Quivoron ou les équipes de
Konbini
soient étrangers à toute forme de démagogie punitive envers nos
forces de l'ordre. Ensuite, la réalisatrice et scénariste française
(à nouveau assistée d'Antonia Buresi) aura beau faire la
distinction entre Rodéos
Urbains
et Cross Bitume,
quelques recherches plus ou moins affinées démontrent l'étroit
rapport qu'entretiennent l'un et l'autre des termes. Autant dire
qu'elle aura beau éloigner ses protagonistes des lieux de
fréquentations pratiqués au hasard par les piétons, c'est bien de
Rodéo Urbain
dont il s'agit ici de faire plus ou moins l'apologie. Un terme dont
l'emploi peut être lui-même critiqué si l'on tient compte du fait
que la quasi totalité des individus qui évoluent au sein du récit
n'ont absolument rien contre l'idée de voler l'objet de leur
passion. Pour le commun des mortels il devient donc relativement
délicat de se passionner pour ces groupes d'adolescents ou de jeunes
adultes dont la verve ponctuée de ''Frères'',
de ''Cousins''
et de pas mal de grossièretés ont pour quotidien le bitume sur
lequel il usent la gomme de leurs motos ou de leurs quads.
Maintenant, voyons ce que
vaut réellement Rodéo.
Lola Quivoron et Antonia Buresi mettent en avant le personnage de
Julia qu'incarne il est vrai assez justement la jeune Julie Ledru
dont il s'agissait là de la première apparition à l'image avant sa
participation dans deux épisodes de la série Furies
créée par Jean-Yves Arnaud et Yoann Legave. Une gamine un peu
paumée, sans réel domicile fixe, version nouvelle et un brin
piteuse de la Mona (Sandrine Bonnaire) de l'excellent Sans
toit ni loi
réalisé par Agnès Varda voilà presque quarante ans. Piteuse non
pas en raison de la performance de la jeune actrice mais à cause de
sa caractérisation qui, on le comprend assez rapidement, n'est pas
la source première d'intérêt de la réalisatrice et de sa
scénariste. Car comme pour le reste du casting, ce qui fait
précisément défaut à Rodéo,
c'est son écriture. Un coin de table, une serviette en papier,
quelques mots griffonnés, c'est une chose. Encore faut-il être en
mesure de développer un véritable scénario. Ce dont semblent être
malheureusement incapables les deux jeunes femmes qui réécrivent
sans cesse la même partition, replongeant encore et toujours leur
héroïne dans cette vie morne au parfum d'essence, de gomme et
d'asphalte. Dire que Rodéo
est ennuyeux est un euphémisme. Riche de si peu d'événements,
manquant d'éclats, même dans la mise en scène vue et revue partout
ailleurs, ou de dialogues qui percutent frontalement la conscience du
spectateur, le film de Lola Quivoron fut selon moi outrageusement
surestimé. Comparé même à TitanedeJuliaDucourneau
(auteur de l'excellent Grave en
2016) qui ne méritait déjà pas en son temps autant d'éloges le
comparant au Crash
de David Cronenberg, on aurait dû se douter que le public et la
critique de Rodéoétaient les mêmes que celui de la palme d'or au festival de Cannes
2021. Comme si en France nous ressentions le besoin ou la nécessité
de nous excuser devant certains faits accomplis : Car si chez
Lola Quivoron, la mort chez les pratiquants de Cross
Bitume est
un entre-soit, dans la vie, la vraie, elle tue des innocents...