En ce début des années quatre-vingt, la mode semble être aux slashers. Opposés à Jason Voorhees et à la passion dévorante de sa maman chérie qui pour venger la mort de son enfant massacra à tour de rôle les moniteurs du camp de Crystal Lakedans le premier volet de la franchise Friday the 13th, certains auteurs ont choisi d'édifier des cathédrales aux pires représentants de notre espèce. Des individus dont les traumatismes de l'enfance justifient à peu près tous les actes qui sont décrits dans des pellicules crapoteuses parmi lesquelles l'on retrouve le glauquissime Maniac de William Lustig dont le tueur assassinait de jeunes et jolies femmes, figures maternelles d'une mère qui lui brûlait le torse à l'aide de mégots de cigarettes. Moins réussi mais relativement réaliste dans sa vision de la folie schizophrène, le Cauchemars à Daytona Beachde Romano Scavolini impliquait un monstre à visage humain atteint de psychose incroyablement malsain. Témoin dans son enfance d'un rapport sexuel entre ses parents, George Tatum ne put alors se résoudre à faire autrement que les tuer l'un et l'autre à coups de hache. De quoi perturber l'homme qu'il deviendra plus tard. On pourrait citer nombre de cas similaires même si peu auront réussi à générer autant de malaise devant la caméra. Chez nous, ces deux là sortirent sur les écrans en 1981. L'année même de production d'une œuvre déjà nettement plus obscure réalisée par un allemand. Un certain Ulli Lommel qui déjà en 1973 signa le très marquant La tendresse des loups(Die Zärtlichkeit der Wölfe), long-métrage inspiré des méfaits de Fritz Haarman, un authentique tueur en série surnommé le Boucher ou le vampire de Hanovre qui fut responsable de la mort d'une trentaine d'enfants entre 1918 et 1924. Sept ans plus tard, donc, ce réalisateur allemand très prolifique revenait avec The Boogey Man, un film au titre passe-partout...
Également connu sous le titre Spectre, le film de Ulli Lommellaisse tout d'abord planer l'éventualité d'une œuvre profondément dérangeante. Ce que semble d'ailleurs tout d'abord confirmer la bande-originale de Tim Krog, pas très éloignée de celle que signa notamment le compositeur allemand Klaus Schulze à l'attention du cauchemardesque Schizophreniade Gerald Kargl qui allait quant à lui sortir deux ans plus tard. Des nappes de synthétiseurs glaçantes, mélancoliques et désespérées ! De quoi donner des sueurs froides d'autant plus que d'emblée le récit débute à la manière de Cauchemars à Daytona Beachpuisque là encore, un gamin va être témoin des rapports entre sa mère et (cette fois-ci) son amant avant de tuer ce dernier à coup de couteau de cuisine ! Un certain malaise s'installe presque immédiatement. Surtout lorsque la mère assiste sans broncher à la scène durant laquelle son amant attache son propre fils à son lit, pieds et poings liés et bouche bâillonnée. De quoi diffuser un parfum de scandale (ici, l'amour maternel n'existe pas). Les années ont passé et Willy (Nicholas Love) et sa sœur Lacey ((Suzanna Love) ont bien grandit mais ont conservé un profond traumatisme de cette nuit-là. Alors qu'ils ont depuis été élevés par un couple de parents adoptifs ils reçoivent un jour une lettre de leur mère qu'ils n'ont pas revue depuis vingt ans et le cauchemar recommence. Alors que Nicholas est devenu mutique, Lacey est victime de terribles cauchemars. Sur les conseils du psychiatre Warren (John Carradine), la jeune femme retourne sur les lieux du massacre qui depuis a été racheté par une autre famille. La jeune femme y retrouve dans l'ancienne chambre de sa mère un miroir à travers lequel elle aperçoit la silhouette de l'amant assassiné. Perdant momentanément la raison, Lacey fait exploser le miroir en mille morceaux. Son mari prend alors l'étrange décision de ramasser les débris et de les ramener chez eux...
Et c'est là que tout part en vrille. Pas seulement les événements que vont vivre les personnages mais le scénario lui-même, écrit par le réalisateur, l'actrice Suzanne Love ainsi que David Herschel. L'on ne s'étonnera d'ailleurs pas de découvrir qu'ils s'y mirent à trois tant The Boogey Mansemble partir dans autant de directions. On ne sait plus s'il s'agit d'un slasher, d'un film fantastique où rôde l'ombre d'un fantôme (le Spectreen question du titre français) ou d'une histoire de possession. Celle d'un miroir dont les débris semblent être à l'origine d'une multitude d'événements. Devenant de plus en plus alambiqué, le film de Ulli Lommel ira jusqu'à plonger dans le ridicule avec cette vision éminemment kitsch d'une Suzanne Love/Lacey visiblement possédée en fin de long-métrage. Un film qui d'ailleurs se terminera en queue de poisson. Si ce n'était la partition glaçante de Tim Krog, l'attitude inquiétante de Nicholas Love et quelques rares passages sanguinolents, The Boogey Mann'aurait d'autre intérêt que l'étrangeté permanente qui le parcours. Entre slasher et paranormal, le film ne sait malheureusement pas vraiment sur quel pied danser... Curieux... !