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Passé maître dans l'art de décrire le quotidien de ses concitoyens, le réalisateur autrichien Ulrich Seidl abordait en 2009 avec Import/Exportcelui de deux êtres d'origines différentes. D'un côté, Olga, jeune infirmière ukrainienne éprouvant de grandes difficultés à boucler les fin de mois, et de l'autre, l'autrichien Paul, ancien vigile renvoyé qui doit beaucoup d'argent autour de lui. On ne peut pas dire que l’œuvre du réalisateur autrichien soit des plus optimiste. Et pourtant, cela ne l'empêche pas d'être particulièrement ''rafraîchissante'' pour un cinéma qui se contente souvent de se mordre la queue. Surtout où à une époque, où le septième art valorise d'abord les grosses productions hollywoodiennes, ou au contraire se fait le porte-parole d'un cinéma indépendant et underground se trahissant parfois lui-même en devenant de manière un peu trop récurrente la vedette de certains festivals ivres de changement. Ulrich Seidl, lui, n'aura pas attendu que ce mode de fonctionnement qui privilégie le réalisme aux exubérant effets-spéciaux des blockbusters ne vienne s'imposer sur les écrans de cinéma. Si la Grande Bretagne abrite Ken Loach, Mike Leigh ou Stephen Frears et les États-Unis Lodge Kerrigan ou Harmony Korine, l'Autriche n'est pas en reste avec un Ulrich Seidl accumulant les œuvres absolument remarquables...
Qu'il s'agisse de fictions, comme la trilogie Paradiesou de documentaires comme Sous-Sol, ou même comme Import/Exportdont la frontière entre les deux s'avère difficile à définir, la filmographie toute entière du cinéaste autrichien est un hommage à l'humanité dans ce qu'elle révèle de plus sincère mais aussi et surtout, de plus inattendue... Si Import/Exportpeut se concevoir à son tour comme l'observation et le bilan d'une vie consacrée toute entière à survivre dans un monde des plus morne pour ses ''héros du quotidien'', il faudra cependant que le spectateur soit d'abord en mesure d'en accepter les principes. Car si Import/Exportbénéficie forcément d'un véritable scénario co-écrit par le réalisateur lui-même ainsi que par Veronika Franz, le style visuel et narratif d'Ulrich seidl ne s'éloignent jamais vraiment de celui qu'arborent ses documentaires. Ici, on est plus proche de l'émission d'origine franco-belge Strip-Teaseque de n'importe quel autre long-métrage indépendant. Au point que différencier le réel du faux est ici pratiquement impossible à estimer. Plans fixes et caméra à l'épaule, économie de moyens (dites adieu à toute notion de musique extradiégétique.
Les décors restent quant à eux rudimentaires) et surtout, une galerie de portraits que l'on a du mal à imaginer autrement que dans leur... ''milieu naturel''... Mais si Import/Export fait l'économie de moyens, le long-métrage d'Ulrich Seidl ne se montre cependant jamais avare lorsqu'il s'agit d'exposer à l'image des séquences ''chocs''. Comme le prouvent les différentes scènes exposant de jeunes femmes ukrainiennes s'exhibant nues devant des caméras pour de ''généreux donateurs libidineux''. Ou plus tard lorsque Olga est directement confrontée à la misère d'un pays qui enferme dans un hospice les plus âgés et séniles des représentants de la communauté autrichienne. Pessimiste et cauchemardesque, Import/Exportn'en oublie cependant pas d'être également terriblement émouvant. Surtout à travers le portrait d'Olga, interprétée avec sensibilité et naturel par l'actrice Ekateryna Rak dont l’œuvre de l'autrichien semble avoir été à ce jour, sa première et dernière apparition sur un écran de cinéma.
Partageant la vedette avec Paul Hofman qui ne fera par la suite que furtivement passer à l'image dans Darumde Harald Sicheritz etDer Fall des Lemmingde Nikolaus Leytner avant de disparaître tout à fait des écrans de radars, Ulrich Seidl concentre tout d'abord son attention sur la jeune actrice qui pour donner un peu plus de poids et de crédit à son personnage est prête à faire d'immenses sacrifices. En résulte une incarnation déchirante qui aurait logiquement dû se solder par diverses distinctions. Mais les mystères de la programmation étant ce qu'ils sont... Le film, lui, remportera cependant les prix du meilleur film et meilleur film documentaire au Festival international du film d'Erevan de 2007. Si vous aimez le cinéma-vérité, entre violence et humanité, parfois cru(el) et radical, plongez dans l'univers réaliste mais décalé de l'autrichien Ulrich Seidl. Vous n'en sortirez pas indemne...